Le peuple Hamer

Les Hamer sont des pasteurs semi-nomades ; ils vivent dans l’une des régions les plus arides de la savane méridionale du sud-ouest éthiopien, entre les terres fertiles de l’est et les rives de l’Omo.

Les Hamer se déplacent en groupe, avec leurs troupeaux de bovins, selon un itinéraire précis établi par leurs ancêtres au premier matin du monde. Parmi eux, de jeunes hommes armés assurent la sécurité du groupe. Profitant des longues étapes qui rythment leur mouvance, ils cultivent le sorgho ; une fois les ressources en eau épuisées, ils abandonnent les champs et se mettent en quête d’une nouvelle zone fertile. Ils logent dans des huttes ogivales de branchages savamment enchevêtrés qui résistent aux forts vents de sable.

Le bétail est le pivot socio-économique et culturel des Hamer ; la fortune et le rang social d’un homme s’évaluent à l’abondance de son cheptel. Les animaux sont bichonnés : pour rehausser l’élégance de l’animal et pour le protéger du mauvais sort, les pasteurs superstitieux dessinent au rasoir des motifs décoratifs sur le pelage. Les bovins préférés ont même le pavillon externe des oreilles ciselé comme une guirlande. A la naissance, les enfants reçoivent, outre leur nom de baptême, un nom de bovin.

Les Hamer, femmes comme hommes, ont un sens très aiguisé de l’esthétique et passent quotidiennement de nombreuses heures à s’embellir. Les femmes oignent leurs corps d’huile et d’argile. Nues jusqu’à la taille, elles se couvrent les hanches d’une peau de vache incrustée de verroteries colorées. Elles s’enduisent les cheveux de beurre et d’argile et se parent de nombreux bracelets en étain, de volumineux colliers sertis de coquillages et d’autres ornements en fer-blanc. Sur leurs coiffures habilement tressées, certaines attachent des visières d’étain ou des serre-tête de perles.

Hormis les colliers de perles et les boucles d’oreilles, les hommes privilégient la coiffure : les plus valeureux, ceux qui ont vaincu l’ennemi ou abattu un animal féroce, s’enduisent la chevelure d’argile qui, une fois séchée, forme une calotte rigide au-dessus de laquelle est plantée, sur un petit support de bois, une plume d’autruche. Les autres se tressent les cheveux en mosaïque.

Ils exhibent fièrement leur torse nu orné de scarifications infligées lors des rituels de passage de classe d’âge. Le rituel le plus important pour les jeunes hommes Hamer est celui qui consacre le passage de l’enfance à l’âge mûr : le saut de taureaux.

Après une suite de cérémonials qui s’étendent sur plusieurs jours, au cours desquels nombre de chèvres sont ingurgitées, les novices font face à une rangée de plus de 30 taureaux tenus serrés flanc contre flanc par des jeunes hommes qui ont récemment franchi l’épreuve, mais qui sont encore trop jeunes pour se marier. Sous le regard de leurs aînés, les candidats doivent, chacun leur tour, prendre leur élan, sauter sur l’échine du premier taureau et parcourir sans trébucher la rangée de trente dos, puis recommencer l’exploit en sens inverse.

Pour réussir le rite initiatique, ils doivent s’acquitter sans tomber de quatre parcours consécutifs. Une fois l’épreuve réussie, les garçons sont portés en triomphe par leurs aînés et acclamés par le village. S’ils trébuchent à une reprise, on ne leur en tient pas rigueur, ils recommencent l’épreuve. Par contre, s’ils échouent à nouveau, ils subissent l’humiliation suprême : ils sont publiquement flagellés et battus par les femmes de leur famille. Considérés comme les parias du village, ils sont la proie des moqueries et des railleries de toute la communauté pour le restant de leur existence.